America 2018 - Les cowboys de Dolorès
Alors là, les amis, j'en suis encore toute esbaudie : imaginez-vous que mon organisateur de voyages à-moi-que-j'ai se prend à improviser ! Lui, le Grand Planificateur, qui travaille ses parcours 6 mois à l'avance, s'était déjà permis de changer d'hôtel dès le 2e jour. Et voilà pas que pour aller de Montrose à Fruita, il refuse de prendre la voie rapide qui nous y mènerait en 2 heures de temps. Et hop ! une incursion de 300 km dans le sud profond du Colorado. Et j'avoue qu'il en fut bien inspiré.
Ridgway, ça veut dire route des crêtes. Ce village du piémont des Montagnes de San Juan (oui oui, pour ceux qui suivent, c'est bien le Ridgway de l'échoppe à la feuille verte), fondé en 1890 autour de mines d'or et d'argent, est adossé à une impressionnante falaise.
On n'a même pas idée qu'un passage pourrait exister, on essaye de résister aux sollicitations têtues de notre GPS, mais il insiste, on lui cède et la piste se dévoile. Raide, mais efficace, puisqu'en quelques virages nous voilà au sommet, sur le plateau. Un plateau immense, riche d'eau et d'une végétation presque exubérante. Culture, élevage, ruisseaux et petits lacs, chaque ranch a son étang. D'où peut bien venir toute cette eau ?
A l'autre extrémité du plateau, on commence à descendre les gorges de la Dolorès.
Et ça va bien durer 200 km, souvent tortueux, d'abord sur une route taillée à flanc de falaise, puis, arrivé au fond de la vallée, on va accompagner Dolorès au fond de son lit, qu'elle a creusé profond en quelques millénaires, avec des passages plus étroits où on la côtoie de tout près. A relecture, je m'aperçois qu'il pourrait y avoir une double ... lecture un rien grivoise. Et que le sexisme remonte insidieusement de notre inconscient même quand on cause des cours d'eau : les rivières sont excitantes, tumultueuses et capricieuses, tandis que les fleuves sont puissants et majestueux. C'était pareil avec les petits noms des ouragans, il fut un temps : toujours des noms de nanas.
On arrive bien tard sur Grand Junction, un rien affamés et en cherchant un peu, on tombe sur un bar-grill (sic). Du côté "bar" émane une atmosphère un peu bizarre avec ses lumières bleues et qui semble plus mystérieuse dès qu'on s'enfonce dans ses entrailles sombres. L'on opère donc une retraite stratégique sur le grill en terrasse, sous les parasols violets, car qui dit Grill, dit VIANDE et on voudrait bien goûter un de ces sirloins grillés américain. Waouh ! que ça fait du bien un bon morceau de bœuf grillé ! On était en manque, après 4 jours de salades de supérette.
Et là, l'on se régale, sans la moindre pensée pour les jolies petites vaches que l'on a rencontrées tout le long de la vallée de la Dolorès. Nos pièces de viande venant du Texas, on se sentait encore moins concernés. Car dans la vallée, on a rencontré des vaches partout, sur le bord de la rivière, dans le petit bois de peupliers, dans le coin de prairie verte (et ouverte aussi, sans clôture,"open range", qu'ils disent) ou même au milieu de la route, avec leurs petits, surtout des jeunes mères avec leurs veaux. On a même remonté un petit troupeau d'une trentaine de têtes qui trottaient allègrement sur le macadam, encadrées par deux vrais cow-boys sur des vrais chevaux, avec des vrais chapeaux et de vrais lassos, yahooo.
Un peu plus loin, on a vu que les bêtes (mères et petits) arrivaient par camions entiers depuis le ranch de naissage, étaient relâchées dans la nature et commençaient à divaguer sur la route, comme ça, c'est tout. La route est jalonnée de panneaux signalant la présence de bétail et barrée de "cattle guards", ces barrières horizontales que les vaches ne franchissent pas.
Grand Junction ne doit pas son nom à l'immense gare de triage où le bétail était embarqué sur les trains, après avoir été acheminé depuis la vallée de la Dolorès au Sud, par le col de Douglas au Nord. Non, junction ici signifie confluent : où la Green River rejoint le fleuve Colorado.
De Grand Junction, direction le Colorado National Monument, un parc national où la route du bord de la falaise nous fait parcourir 37 km pour joindre 2 points distants de 12 à vol d'oiseau. Comme dans toutes ces visites de canyons, on nous fait cheminer au plus près la découpe du plateau histoire de se faire peur en se penchant sur les abimes vertigineux (au sens propre pour certain hi hi hi) et de s'émerveiller des perspectives infinies.
Et l'on retrouve de point de vue en mirador les mêmes co-touristes, que l'on salue chaque fois d'un Hi again ou d'un Re-bonjour. Enfin presque toujours : quand nous sommes arrivés au dernier poste, il y avait bien la voiture, vide, et un sac photo posé sur la margelle, mais les 2 petits jeunes que nous avions croisés plusieurs fois, n'étaient pas là. Pas de sentier. Derrière nous, la route par laquelle on était arrivé, et devant rien que le vide, le silence et un grand mystère. Un peu plus loin, on a vu tournoyer 3 grands rapaces que les rangers du parc nous ont identifié comme des Turkey Vultures. Je vous laisse chercher ce que c'est et vous faire votre propre histoire. Je me contente d'énumérer des FAITS.
L'insolite du Colorado National Monument, ce sont ces autres canyons, suspendus comme une vallée haute, côtoyant les canyons plus profonds. Et puis les canyons du Monument sont moins tortueux et moins longs que leurs collègues, offrant des perspectives sur la vallée et au-delà vers ces montagnes qui nous séparent de la vallée de Douglas Creek.
A très bientôt, pour de nouvelles aventures. Enfin, peut-être. Mais jusqu'à présent nous avons su nous en sortir et comme nous sommes inscrits au fil d'Ariane pour signaler au Ministère des affaires étrangères les détails de ce voyage périlleux, on nous retrouvera certainement, même si ce n'est pas en un seul morceau.
Kat & Cissou